Huasheng Qinglv, a réalisé le design de l’étiquette de vin Divine Mystery. Celle-ci est née de la collaboration du graphiste Freelance et du domaine de la Galopière, vignoble de Bourgogne. Cette cuvée a reçu la médaille d’or au concours Féminalise 2021. Selon les termes du domaine, « cette jolie étiquette n’est pas étrangère à ce succès ». Chronique d’une étiquette inspirée.
Alors qu’as tu pensé lorsque le propriétaire de la Galopière t'a demandé de réaliser le design de l’étiquette de vin Divine Mystery ?
Je suis passionné de graphisme et l’expression de cet art sur une étiquette de vin m’a toujours fasciné. C’est l’alliance parfaire du contenu et du contenant. Cette importance est née bien avant que les marques s’intéressent au packaging. J’ai ainsi saisi l’opportunité qui m’était présentée. Lors d’une présentation de mes dessins à Gabriel, le propriétaire du domaine de la Galopière, il m’a demandé de réaliser une étiquette de vin spéciale pour une cuvée confidentielle: Dinvine Mystery. Cette réalisation mènera à une autre avec l’étiquette de vin Arôme de France.
D’ailleurs, je tiens à remercier Gabriel pour sa confiance dans ce projet. Cette étiquette de vin m’a motivé et m’a fait vivre une véritable aventure graphique !
Ce fut un vrai défi. Ce projet m’a motivé et m’a fait vivre une véritable aventure graphique !
La dégustation de la cuvée Divine Mystery en avant-première , cela t’a inspiré ?
Dans la recherche graphique, j’essaie de trouver l’inspiration à travers des expériences ou dans les discussions avec le vigneron. Lorsque j’ai goûté la cuvée Divine Mystery, j’ai ressenti un vin léger presque aérien. Il m’a transporté dans une forêt brumeuse, évoquant la soif de découverte dans un monde inconnu. Le vin est équilibré, à l’acidité peu prononcée. Je pouvais ressentir la grande qualité du Pinot noir, cépage caractéristique des vins bourguignons. Son élevage en fût lui donne un doux parfum qui appelle une seconde dégustation, je dois l’admettre.
Le nom de la cuvée et les explications du vignerons de la Galopière t’ont aidé dans ta tâche ?
Gabriel a ressenti les mêmes sensations en goutant son vin. C’est pourquoi il lui a donné cette dénomination. Il avait ainsi en tête quelques idées qui m’ont guidé. En terme de méthode de travail, je préfère qu’on me donne quelques pistes les plus concrètes possibles. L’objectif était de sortir du champ classique de ses étiquettes. Elles sont d’ailleurs d’une grande qualité. Mais ma participation permettait de marquer le coup et de changer un peu. Cela donne un caractère un peu spécial à la cuvée.
Ainsi, notre vigneron m’a évoqué ses idées. Il souhaitait quelque chose de mystérieux, d’aérien. Il voyait une brume. Bien plus qu’un objet ou un paysage concret, il évoquait surtout un sentiment. A partir de là, j’ai dû activer mon imagination. Cher lecteur, j’avoue que cela n’a pas été si facile… J’ai alors commencé mes recherches graphiques et j’ai tenté d’exprimer ce que le vin m’évoquait.
Comment as-tu abordé la réalisation du design de l’étiquette de vin Divine Mystery de la Galopière ?
Pour moi, une belle étiquette doit représenter de façon avantageuse le domaine, mais également la cuvée. Elle fait partie d’un tout. Elle s’adapte parfaitement à la bouteille et à la couleur du vin. Ainsi, une étiquette sur une bouteille de blanc alsacien, longue et élancée, aura plutôt un format portrait. En revanche, la bouteille de Bourgogne, dont la base est plus large, adoptera un format paysage. C’est d’ailleurs un format que je trouve plus facile à travailler en la matière.
Vous pouvez explorer les rayons des cavistes, voir des supermarchés. Une bouteille avec une belle étiquette ou un design particulier sort immédiatement du lot. On peut ressentir le soin que le designer a mis dans la réalisation de l’œuvre. C’est une invitation à la curiosité, à la découverte. C’est ici que votre expérience avec le domaine commence. On consulte ensuite la contre étiquette et les mots employés vous emmènent en voyage. Finalement, les recommandations du caviste emporteront votre adhésion définitive. La dégustation du vin sera le point culminant de votre voyage.
L’étiquette est donc pour moi la partie d’un tout, une véritable expérience sensorielle, où le visuel doit sublimer le gustatif.
Quelles ont-été tes inspirations ?
Avec cette vision en tête, j’ai observé les plus grands artistes du genre « étiquettes », comme les plus modestes. J’ai regardé d’abord le style du domaine de la Galopière. Ainsi, je fais connaissance avec le support et ses limitations. Une œuvre est exceptionnelle lorsqu’elle est considérée dans son ensemble. Il faut prendre en compte le cadre du support. On peut juger ainsi la prouesse de l’artiste en fonction des quelques compromis qu’il a dû concéder.
Je me suis ensuite tourné vers le livre de référence sur les étiquettes de Mouton Rothschild. Je vous invite à découvrir cet ouvrage et leur exposition inspirante. Chaque année, un artiste différent illustre l’étiquette du domaine. Des grands noms sont ainsi intervenus comme Picasso ou Dali. On peut y voir l’expression de leurs idées et de ce que le domaine leur évoque. C’est un véritable régal en plus d’être une source d’inspiration !
Enfin, pour l’aspect mystérieux, voire mystique, je me suis tourné vers l’exposition photo de Mathieu Ricard que j’ai découvert avec Huasheng Girl lors des rencontres photos d’Arles en 2019. Tout de suite, on est frappé par la plénitude qui en émane. Entre paysage mystérieux et temples sortis des nuages, on ne pouvait pas trouver mieux pour exprimer les idées de Gabriel. C’est là que mon travail a pu commencer.
Combien d’essais as-tu effectué?
La conception de l’étiquette a été rapide. Compte tenu des indications émises par Gabriel, je suis parti sur plusieurs pistes. Je me suis essentiellement concentré sur la représentation d’un paysage montagneux. Cependant, j’ai essayé de mettre en valeur certains éléments spécifiques. C’est pourquoi, dans l’un des prototypes, j’ai dessiné des vignes. Alors que dans un autre, j’ai illustré une montagne brumeuse. Mes inspirations ont été multiples.
Mais fort heureusement, cela m’a permis d’expérimenter. Dans le processus de réflexion, le temps passé à chercher, à tester, n’est jamais perdu. Vous tirez à chaque fois de nouvelles connaissances, voire un nouveau style.
De par ton style plutôt manga, as-tu été challengé par ce nouveau défi ?
Habituellement, je me concentre sur le style manga. Je suis issu d’une génération marquée par les grands mangakas des années 1980-2000. Mais ce projet d’étiquette m’a fait vivre une véritable aventure graphique. J’ai enfin testé autre chose et je suis sorti de ma zone de confort.
J’ai réalisé des paysages, une représentation de la nature à travers les vignes, mais également de l’art abstrait avec la représentation d’un profil féminin.
En plus de varier mes sujets d’illustration, je me suis familiarisé avec d’autres outils de création. Habituellement, j’utilise le logiciel Procreate sur mon iPad Pro. Je fais mes esquisses au crayon à papier, puis je repasse mes traits avec un stylo technique noir. Le résultat est propre, mais bien trop précis pour le style envisagé pour l’étiquette du domaine de la Galopière.
Pour celle-ci, j’ai utilisé une dizaine de pinceaux différents, entre la peinture, au fusain, en passant par le charbon. Le dessin numérique nous donne accès à des styles que nous n’aurions jamais espéré en temps normal, alors pourquoi ne pas en profiter! La flexibilité offerte par les différents calques m’ont également permis de combiner plusieurs éléments et de mieux travailler les plans.
Chaque prototype adopte un style différent. Je voulais dépeindre le côté rêvé en utilisant des pinceaux « artistiques ». Il faut sentir l’irrégularité du trait et l’aspect abstrait qui caractérise les plus belles œuvres impressionnistes. J’ai ensuite ajouté un calque supplémentaire avec un léger film blanc, pour exprimer la brume.
Les étiquettes de la Galopière sont souvent des silhouettes sur un fond coloré. Ainsi, j’ai supprimé le fond de mon illustration. Le domaine et l’imprimeur sont libres de combiner les éléments en fonction de leurs besoins.
Pour conclure sur le design de l’étiquette de vin Divine Mystery de la Galopière
Au final, c’est une combinaison d’illustrations qui a été choisie. J’ai apporté des retouches. Sur demande de Gabriel, j’ai illustré de la fumée évoquant la marque de cigarette « la Gitane ».
On peut ainsi voir un pied de vigne isolé, avec différentes grappes, dans la montagne. La vigne est mise en valeur car elle est représentée dans une vallée en noir et blanc. Au dessus, trône le profil d’une femme. De multiples fumées émanent de sa bouche. Cela évoque le plaisir en bouche et cette douce senteur qui émane de l’être après avoir gouté à ces gouttes de Dieu.
J’ai voulu exprimer le côté exceptionnel de cette cuvée en la rendant unique, non seulement par la représentation d’un pied de vigne isolé, mais également par cette étiquette charmante et mystérieuse.
J’espère que vous l’apprécierez autant que le vin qu’elle représente. Et pour la petite histoire, la Cuvée Divine Mystery a été distinguée par une médaille d’or au concours Féminalise 2021. Selon le domaine, l’étiquette y a sans doute contribué.
